Recyclage du chanvre industriel

Penser cycle de vie des produits et écoresponsabilité

Le chanvre est un produit naturel, certes. Mais que se passe-t-il en fin de vie, lorsqu’on l’a intégré à d’autres matériaux ? Divers projets de recherche se mettent en place pour anticiper les process et filières à créer pour que le chanvre industriel s’affirme pleinement comme une ressource écoresponsable.

Concevoir un produit, c’est anticiper sa fin de vie et la destination de ses composants. Le chanvre n’échappe pas à cette règle, qui engage la responsabilité des industriels. Tout nouveau projet doit intégrer la notion de cycle de vie, d’impacts environnementaux et s’inscrire si possible dans une démarche d’écoconception. Utilisé dans des secteurs aussi variés que le textile, le bâtiment, les matériaux composites notamment pour l’automobile ou la plasturgie, le chanvre industriel trouve sa place dans des jeans, des pulls, mais aussi des voitures, des maisons ou des bureaux. Des produits à la durée de vie plus ou moins longue. Des produits où l’on associe la fibre à des matériaux plus ou moins complexes.

« Ces problématiques sont clairement intégrées dans tous nos projets, des solutions émergent, mais il reste beaucoup à faire », constate Arnaud Day, directeur scientifique chez FRD, le centre de ressource technologique de référence sur les fibres végétales, basé à côté de Troyes, qui travaille sur tous types de biomasses. « Nous collectons et développons des bases de données sur la recyclabilité de ces matériaux en lien avec le CODEM ». Pour le textile, par exemple, il s’agit de prévoir la phase de post utilisation du produit : collecte des vêtements, tri, déconstruction avec la séparation des différents éléments comme les boutons, les fermetures et enfin valorisation des différents matériaux. « Dans le cadre d’un nouveau projet, nous avançons sur des approches de recyclage des textiles vers des laines d’isolations, par exemple ».

Béton de chanvre aujourd’hui, combustible demain ?

Si le recyclage d’un pull fabriqué en 100 % chanvre ne pose à priori pas de problème, celui du béton de chanvre ou de matériaux composites complexifie la démarche. Parce que la durée de vie d’une maison n’a rien de comparable à celle d’un vêtement et que les techniques de production évoluent constamment. « Les premières maisons en béton de chanvre ont déjà plus de 35 ans et le recyclage des produits peut être différent selon les formulations d’hier ou d’aujourd’hui », explique Guillaume Delannoy, adjoint responsable développement industriel et étude au CODEM , structure sœur de FRD spécialisée dans le bâtiment. « Ma thèse au sein de l’IFSTTAR a montré en 2018 que le béton de chanvre  est un matériau stable dans le temps. Mais nous devons identifier les voies de valorisation de ces matériaux en fin de vie ». Le projet ValoBBio, récemment lancé, va en ce sens. « Pendant trois ans, nous allons tester différentes hypothèses, à commencer par la déconstruction du béton de chanvre. Peut-on récupérer des granulats ? Comment dissocier les matériaux et quelle filière doivent-ils suivre ? Est-ce une valorisation agronomique, énergétique ou un enfouissement ? » Autant de thèmes à approfondir. Autant de questions en attente de réponses.

Automobile : le cercle vertueux du recyclage

La prise en compte du cycle de vie des matériaux conçus avec du chanvre industriel s’impose donc désormais et de nombreux projets d’études se mettent en place pour prévoir les filières adaptées. D’autres sont plus avancées comme la plasturgie. Ainsi, dans le secteur automobile européen, depuis 2015, il est obligatoire de recycler et de valoriser respectivement 85 et 95 % des composants des véhicules en fin de vie. « L’utilisation du chanvre dans les pièces automobiles comme alternative aux pièces plastiques en polypropylènes présente des avantages d’allégement de poids, de 20 à 30 % et des capacités de recyclage conformes aux filières mises en place », poursuit Arnaud Day. Compte tenu du contexte réglementaire, des filières de déconstruction existent. « Elles récupèrent les véhicules, les démantèlent, trient les déchets et revalorisent certains matériaux, tel que le polypropylène ».

Le cercle vertueux du cycle de vie du produit se boucle ainsi vers un objectif zéro déchet. L’essor de l’utilisation du chanvre industriel sur différents marchés permet d’accélérer la recherche et la création de filières et plusieurs projets sont en cours sur le sujet du recyclage. La construction de l’écosystème de la bioraffinerie du   vise à favoriser les synergies entre les acteurs et à fédérer les compétences pour une prise en compte globale du chanvre de sa culture à sa fin de vie. L’objectif du Pôle européen du chanvre étant de penser la filière dans sa globalité et d’accompagner le développement des marchés du chanvre industriel dans un environnement écoresponsable.

Projet ValoBBio

Partenaires : CODEM, IMT Lille-Douai, EVEA
Durée : 3 ans
Financeurs : ADEME et Région Hauts-de-France
Grands objectifs : Le projet ValoBBio a pour objectif de donner un cadre dans (l’anticipation de) la gestion de la fin de vie des bétons biosourcés dans :

(1) la déconstruction et la fin de vie d’ouvrage ;
(2) la gestion des chutes de production ou de chantiers ;
(3) le pilotage de formulation des matériaux à l’échelle R&D.

Cette étude s’appuiera sur 3 cas d’école (bétons de chanvre et de bois) : les matériaux seront caractérisés selon leur capacité à relarguer des éléments dans l’air ou dans l’eau, des solutions techniques seront testées (compostage, amendement des sols, combustion…) et modélisées pour mesurer l’empreinte environnementale de ces solutions. Un support méthodologique fera l’objet d’une publication pour partager les résultats.

FRD-CODEM est partenaire du projet Pôle européen du chanvre, et en anime deux groupes techniques : Plasturgie/composites et Outils de transferts et d’innovation.